« Culture du speak up » : 10 raisons pour lesquelles les employés ne font pas de signalements

Nous analysons les raisons qui empêchent les employés de signaler des actes répréhensibles constatés sur leur lieu de travail
Linda Couturier Sadgui
En bref

À priori, cela ne devrait pas être un problème : si vous voyez quelque chose qui ne va pas au travail, vous le dites. Malheureusement, nous ne le faisons pas tous. Selon une étude menée par l’IBE (Institute of Business Ethics) en 2018, seuls 52 % des collaborateurs français signalent des cas de mauvaises conduites contre 67% des employés au UK. Il reste donc beaucoup d’effort à faire pour encourager les employés à communiquer leurs problèmes. Une question se pose : pourquoi les 48% restants ne s’expriment-ils pas ?

Grâce à la recherche et à notre expérience dans la mise en place de plateformes d’alertes professionnelles dans des entreprises, nous partageons 10 raisons pour lesquelles les employés ne signalent pas tous, des comportements contraires à l’éthique ou des actes répréhensibles. Nous vous livrons également quelques stratégies pour encourager une culture qui favorise la prise de parole (ou culture du « speak up »).

Integrity Line Blog - employee speak up

1. « J’ai trouvé que cela ne me regardait pas »

De manière anecdotique et selon l’enquête de l’IBE, les employés (en particulier les plus jeunes ou les nouveaux arrivants) estiment qu’il n’est pas de leur ressort de soulever des problèmes. Le dicton « c’est au-dessus de mes moyens » résonne. Les professionnels de la Conformité et des Ressources Humaines doivent s’assurer que tous les employés comprennent que le fait de « parler » fait partie de leurs responsabilités. Une communication claire et fréquente ciblant les employés à plusieurs occasions comme lors de l’arrivée dans l’entreprise, durant une formation, lors d’une évaluation ou de réunions d’équipe, peut y contribuer.

2. « Je pensais qu’il s’agissait d’une pratique courante »

Il est vital pour les entreprises de former régulièrement leurs employés à distinguer un comportement acceptable d’une attitude qui doit être signalée. Des politiques engageantes et des formations sont une base pour permettre aux employés de disposer de toutes les informations nécessaires à la prise de décision. Cela commence par une gestion des politiques et des procédures internes pertinente afin de s’assurer que tous les employés ont lu et consenti aux règles internes et aux exigences réglementaires.

3. « Je ne pensais pas que des mesures correctives seraient prises »

La confiance dans les canaux de signalement est essentielle. Lorsque les employés ont trouvé le courage de signaler un problème, il peut être démoralisant de ne pas recevoir un retour pertinent sur l’issue des problèmes soulevés. Avec la promulgation de la loi n°2022-401 le 21 mars 2022, les entreprises comportant au moins 50 salariés sont désormais tenues de mettre en place un canal de signalement sécurisé et confidentiel. Les personnes chargées de traiter les signalements doivent alors accuser réception du signalement sous 7 jours et donner un retour d’information au lanceur d’alerte dans un délai maximum de 3 mois.

4. « A l’époque, je ne pensais pas qu’il s’agissait d’un problème sérieux »

Il y a souvent de l’incertitude quant à ce qui doit être signalé et à quel stade. Il en va de la responsabilité de l’entreprise d’adopter une culture qui encourage les signalements aussi futiles soient-ils. Mieux vaut prévenir que guérir, surtout lorsque le fait de ne pas effectuer ce travail de prévention peut nuire à la réputation de l’entreprise et lui faire perdre de l’argent. Un canal anonyme ou confidentiel pour « poser une question » peut encourager les employés à communiquer avec les responsables de la Conformité ou des Ressources Humaines lorsqu’ils ne sont pas certains de ce qui est éthique ou légal sans avoir à déposer une plainte officielle via un signalement.

5. « J’avais peur que les signalements puissent causer de l’animosité et de la rancœur sur mon lieu de travail »

Bien que la Loi Sapin 2 et la loi n°2022-401 du 21 mars 2022 protègent le lanceur d’alerte, nombreux sont les employés qui craignent de faire l’objet de représailles après avoir exprimé une préoccupation susceptible de nuire à leurs collègues. L’environnement peut rapidement devenir hostile si l’organisation ne dispose pas d’une solide culture de l’expression. La mise à disposition de canaux de signalement confidentiels et anonymes contribue à garantir que les préoccupations soulevées fassent l’objet d’une enquête discrète, réduisant ainsi au minimum le risque de représailles. Suivre l’évolution du lanceur d’alerte fait partie des meilleures pratiques. Les indicateurs clés peuvent être les suivants : le lanceur d’alerte est-il toujours dans l’entreprise 12 mois plus tard ? A-t-il été rétrogradé ou promu ? A-t-il pris un congé de maladie prolongé ?

6. « Je pensais que le top management était déjà au courant de la situation »

On a souvent l’impression que le conseil d’administration ou le comité de direction sont au courant des pratiques contraires à l’éthique au sein de leur organisation. Cependant, ce sont souvent les membres du conseil d’administration et les cadres supérieurs qui cherchent désespérément à avoir une plus grande visibilité des risques au sein de l’entreprise. Le personnel de première ligne peut leur offrir des renseignements précieux grâce aux dispositifs d’alertes professionnelles qui permettent d’éviter la hiérarchie. Des plateformes dédiées au recueil et à la gestion d’alertes professionnelles peuvent également fournir des rapports détaillés afin que la direction puisse être informée des dysfonctionnements au sein de l’entreprise.

7. « J’ai peur d’être perçu comme déloyal ou de ne pas avoir l’esprit d’équipe »

Personne ne veut être perçu comme déloyal ou étiqueté comme « n’étant pas en adéquation avec la culture de l’entreprise » s’il s’exprime. Il est primordial que les organisations communiquent clairement sur le fait que prendre la parole au sujet des comportements contraires à l’éthique est essentiel pour le succès à long terme de l’entreprise. Il s’agit d’une protection contre les atteintes à la réputation et les pertes financières. Le message en lui-même ainsi que la fréquence des communications sont des facteurs clés de réussite pour dissiper ces perceptions négatives.

8. « Il n’existe pas de canal de signalement anonyme »

Le rapport 2021 sur les alertes professionnelles indique que pour les entreprises qui permettent l’anonymat, 48% des alertes initiales sont anonymes. Sans canal de signalement anonyme, ces alertes n’auraient peut-être pas été remontées. Bien que, pour certaines organisations, l’anonymat puisse représenter un challenge pour l’enquête qui s’en suit, il existe maintenant des plateformes digitales qui permettent aux employés de signaler des actes repréhensibles de façon totalement anonyme, d’avoir une communication confidentielle avec le référent et de fournir des preuves à l’appui.

9. « J’avais le sentiment de risquer de perdre mon emploi »

Selon l’étude d’IBE, sur l’éthique au travail, il s’agit de la principale raison pour laquelle les employés ne se sont pas exprimés en Italie, en Espagne, en Suisse et au Royaume-Uni. Dans l’aviation, l’accent est mis sur la « culture du signalement » et la « culture juste ». Cela signifie cultiver un environnement où les gens ont la possibilité de signaler des problèmes de sécurité sans craindre d’être blâmés ou de faire l’objet de représailles. Cela s’applique également dans d’autres secteurs, mais l’action de faire remonter des dysfonctionnements peut encore entraîner le licenciement, le refus de promotions, la rétrogradation et même l’inscription sur la liste noire du secteur d’activité. Il n’est donc pas étonnant que la décision de mettre en lumière des actes repréhensibles puisse être difficile pour certains employés.

L’entreprise, à commencer par le top management, doit garantir que le fait de soulever des dysfonctionnements n’aura pas d’effet négatif sur la carrière des employés. En outre, des initiatives législatives récentes, telles que la directive européenne, offrent davantage de protection aux lanceurs d’alertes et des sanctions supplémentaires pour les entreprises qui n’auront pas protégé leurs lanceurs d’alertes.

10. « Je ne sais pas à qui m’adresser, ni comment le faire »

Communication, communication, communication. Il est essentiel de proposer divers canaux de signalement et de les communiquer largement à l’ensemble du personnel. Les communications créatives comme les goodies, les vidéos et les bannières digitales peuvent aider à ce que le fait de s’exprimer soit bien ancré dans l’esprit des salariés. Par ailleurs, l’importance d’une culture de la prise de parole ou culture du « speak up » et le fait d’avoir une vue d’ensemble des divers canaux de signalement devraient être ancrés dans le code éthique de l’entreprise, l’intranet et tout type de formation continue.

La protection des lanceurs d’alerte en entreprise : 

Comment mettre en place un dispositif d’alerte interne efficace ?

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Linda Couturier Sadgui
Head of Marketing Communications | EQS Group
Linda possède 20 ans d’expérience en marketing et communication B2B dans le secteur des services financiers et de l’information dont 14 ans au niveau paneuropéen. Avant de rejoindre EQS Group en mars 2018, Linda a occupé les fonctions de Head of Marketing Communications Strategy EMEA chez Euronext, Thomson Reuters puis Nasdaq. Linda est diplômée d’un Master en Marketing de PSB Paris School of Business (Ex ESG Management School).